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Avant tout, Le Progrès était le journal des Canadiens-Français du
Détroit. Tout en étant leur fenêtre sur le monde, le journal servait aussi comme
miroir de leurs communautés, dans lequel les gens pouvaient se voir et se lire,
exprimer leurs idées, développer un esprit de solidarité et d’identité
régionale. Pour les lecteurs d’aujourd’hui, Le Progrès nous fournit un
portrait vivant de la communauté francophone du Sud-Ouest ontarien à une époque
très peu documentée par les historiens.
À la fin du 19e siècle, toute la rivière Détroit retient un caractère français.
Bien que la ville de Détroit soit maintenant une grande ville industrielle où
les Canadiens-français jouent un rôle de moins en moins important, ils font
toujours partie de la scène commerciale et culturelle depuis Grosse Pointe au
bord du lac Sainte-Claire jusqu’à Monroe sur les rives du lac Érié. Du côté
canadien, Windsor demeure 50% francophone. Sandwich, site de la paroisse de
l’Assomption, est encore plus français. Les descendants des premiers colons
français et canadiens du siècle précédent constituent une forte majorité de la
population à la Petite Côte (aujourd’hui LaSalle), Rivière-aux-Canards et
McGregor. (Carte interactive).
Windsor compte parmi sa population française des membres de ce premier groupe,
ainsi que des gens arrivés beaucoup plus récemment du Québec. Surtout après
l’arrivée du chemin de fer en 1854, ce deuxième groupe s’établit tout le long du
lac Sainte-Claire et fonde des communautés et des paroisses à Tecumseh,
Belle-Rivière, Saint-Joachim, Pointe-aux-Roches, Tilbury, Pain Court et Grande
Pointe.
Toutes ces communautés maintiennent jusqu’à nos jours une présence francophone.
Mais il faut dire que Le Progrès et ses contemporains publient dans la
période qui est sans doute l’apogée de la communauté canadienne-française du
Détroit, une période à laquelle la langue et la culture bouillonnent du mélange
provoqué par la rencontre de la vieille culture du Détroit et des nouveaux
Canadiens-Français arrivant de la vallée du Saint-Laurent. La communauté
commence à s’affirmer et prendre conscience de sa place dans la grande famille
canadienne-française de l’Amérique du Nord. Mais cette fleuraison sera de courte
durée. Le vingtième siècle amènera des changements inimaginables sur les plans
économiques, industriels, politiques et démographiques, et ceux-ci se produiront
dans la région de Windsor avant tout autre endroit au Canada. Le Progrès
saisit bien l’ambiance de ces temps mouvementés, cherchant un équilibre entre la
stabilité et le changement, la tradition et l’innovation, même - disons-le -
entre le progrès et le retour en arrière.
Nous allons donc présenter quelques volets de ce panorama de la communauté
canadienne-française du Détroit. Le Progrès, Le Courrier d’Essex /
de l’Ouest et Le Courrier, en plus de rapporter les nouvelles des
différentes communautés du Détroit, font souvent appel au
patrimoine historique de la région pour rehausser la fierté de ses
lecteurs ; aussi met-on beaucoup l’accent sur l’agriculture comme vocation
idéale des Canadiens-Français. Mais Le Progrès, comme son nom l’indique,
se veut aussi moderne : on consacre autant d’espace aux activités commerciales
de la communauté, donnant ainsi un portrait bien équilibré de l’économie
locale. On se penche beaucoup sur le dossier des
écoles et des questions
scolaires, car c’est seulement par la voie de l’éducation que les
Canadiens-Français prendront véritablement leur place dans la société moderne ;
on voit dans cette préoccupation le présage des grandes luttes dans le domaine
scolaire qui auront lieu en Ontario tout au cours du 20e siècle. Le Progrès
reflète aussi plusieurs éléments culturels de la communauté francophone de
l’époque, que ce soit culture officielle ou
culture
populaire. Enfin, Le Progrès nous fournit de nombreux exemples de
la langue française elle-même, telle qu’elle était parlée par les
Canadiens-Français du Détroit à l’époque.
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