Le 16 août,

Dès que l’est se para des beaux rayons de l’aurore, le canon commença à rugir, semblait-il au décuple, et à exécuter. Les balles de l’ennemi ont commencé à pénétrer dans le fort, et tandis que des femmes fabriquaient des cylindres (sacs servant à contenir la poudre) et raclaient de l’ouate au cas où on en aurait besoin, un obus de 24 livres est entré dans la chambre à côté d’elles et a coupé en deux, deux officiers qui se tenaient debout dans l’entrée, laissant leurs entrailles jaillir de leur corps ; la même balle est passée au travers du mur d’une chambre où se trouvaient quelques personnes et a arraché les jambes d’un homme et la chair de la cuisse d’un autre. La personne qui avait perdu ses jambes est morte en peu de temps ; donc un de ses messagers furieux a détruit la vie de trois et blessé un quatrième dans un instant…
Le fort était maintenant tellement à portée du tir de l’ennemi qu’il était dangereux pour les femmes et les enfants de demeurer plus longtemps dans les quartiers. Nous nous sommes donc hâtés de nous rendre dans un cellier de l’autre côté du fort qui était à l’épreuve des bombes. Jamais je n’oublierai la sensation que j’ai éprouvée en traversant le terrain de manœuvres pour rejoindre l’endroit de sécurité ; vous devez comprendre que mes émotions avaient été agitées constamment pendant plusieurs semaines et étaient maintenant à leur comble. Je ne pouvais pas pleurer, je ne voulais pas me plaindre et je sentais mes nerfs prêts à lâcher, mes cheveux semblaient s’être hérissés sur ma tête qui n’était pas couverte et j’ai levé les yeux pour entrevoir les obus et les balles qui volaient dans toutes les directions….

….en arrivant au cellier, je l’ai trouvé presque rempli de femmes et d’enfants… Quelle scène se présenta ici à mes yeux ! Je n’ai jamais entendu tant de pleurs et de lamentations et j’espère ne plus jamais en entendre. Parmi toutes ces femmes, il n’y en avait que trois qui semblaient calmes et elles ressentaient beaucoup plus que je ne peux l’exprimer ; la femme d’un des officiers qui avaient été abattu… se mourait de chagrin comme vous pouvez le supposer et entre ses lamentations demandait ce qu’elle avait bien fait pour mériter cette douloureuse peine.
Oh ! , me suis-je demandée, qu’avons nous fait pour mériter quoi que ce soit ? Une enfant trop jeune pour se rendre compte du danger criait violemment pour que sa domestique sorte marcher avec elle sur le parapet de l’autre côté de la maison…

…à peu près à cette heure, l’ennemi débarqua de notre bord, à l’abri de ses vaisseaux armés, qu’il possédait en quantité suffisante pour détruire le Détroit s’il le souhaitait et nous n’avions pas de bateau pour transporter un seul canon…Par conséquent, un drapeau blanc fut exposé sur le parapet, le signal commun de la cessation des hostilités et le canon cessa de rugir et tout devint tranquille. Immédiatement, l’ennemi envoya quelqu’un s’assurer de la raison pour laquelle le drapeau blanc était exposé, et ils apprirent que le général capitulait.

On fit donc marcher nos soldats sur le terrain de manœuvres dans le fort où ils entassèrent leurs armes, qui furent ensuite livrées à l’ennemi ; Les couleurs américaines furent ôtées du mat du fort et remplacées immédiatement par le drapeau britannique et une salve royale fut tirée avec le même canon qu’on leur avait enlevé durant la guerre de la révolution - tandis que leur musique jouait plein d’entrain « God Save the King », leur hymne national. Mille émotions se débattaient dans ma poitrine, trop nombreuses pour les dire, trop excessivement douloureuse pour les décrire, --- les pauvres malheureux abattus dans ce combat furent enterrés dans une fosse commune.