Le Progrès
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Langue Française


 

Le Progrès est une excellente source de renseignements sur la culture populaire des Canadiens-français du Détroit à la fin du 19e siècle. La culture populaire, qu’on peut aussi appeler le folklore, comprend les coutumes, les traditions, les croyances, la littérature orale : bref, toutes les connaissances transmises en dehors des voies officielles comme l’église, l’école et la loi. On y retrouve des éléments de religion populaire, ainsi que des contes, des légendes et des chansons, des proverbes et des dictons. Le Progrès décrit des soirées et des célébrations, des coutumes du temps des fêtes, des pratiques qui manifestent les valeurs de la communauté. Dans ce petit îlot de langue française, la culture populaire sert à relier la communauté du Détroit aux Canadiens-français partout en Amérique du Nord, tout en lui permettant d’exprimer son identité régionale tout à fait particulière.
 
Le Progrès tient compte d’occasions favorables à la transmission de la culture populaire - fêtes, soirées, réunions de famille. Bien que certaines de ces occasions se rapprochent des voies officielles, elles laissent beaucoup de place pour la transmission de chansons, de poèmes et de déclamations et pour le maintien des pratiques coutumières. Par exemple, les soirées galas et les concerts comme ceux qui ont lieu à Pointe-aux-Roches et à Rivière-aux-Canards mêlent les chansons et les déclamations populaires à des présentations plus littéraires , . Le pique-nique paroissial est une autre occasion qui donne lieu à toutes sortes d’activités traditionnelles . Les cadeaux qu’on échange lors de fêtes familiales nous laissent voir les objets qui font partie de la culture matérielle de l’époque , . Les anniversaires de noces sont fêtés avec une importance qui grandit d’année en année . De même, le calendrier liturgique est accompagné de fêtes et de coutumes. Le Progrès décrit les traditions entourant la Fête des rois, qui a lieu le 6 février . Bien qu’elles relèvent de la liturgie officielle, les pratiques associées au Carême font également partie des observances populaires et sont beaucoup plus élaborées que celles pratiquées de nos jours . Le Progrès ne peut laisser passer sous silence la grande fête de Noël, qui est avant tout, à cette époque, une fête religieuse . Mais on voit déjà, bien avant le tournant du siècle, l’arrivée d’un nouveau personnage dans la conscience canadienne-française qui changera à jamais la nature de Noël .

La tradition orale est représentée sporadiquement à travers les pages du Progrès. On y retrouve plusieurs légendes canadiennes-françaises qui sont alors en vogue dans les cercles littéraires du Québec, comme par exemple une légende de loup-garou d’E.-Z. Massicotte, un des premiers folkloristes québécois . Une autre histoire de loup-garou vient de l’Île d’Orléans . Ces légendes font partie d’un fonds commun de croyances que partagent les Canadiens-français du Détroit avec leurs compatriotes partout en Amérique du Nord. Dans le même univers moral, on retrouve des histoires de personnes possédées par le diable et avertis par des revenants , . Plus près de chez-soi, Le Progrès régale ses lecteurs d’histoires de sorciers à Walkerville , d’un oiseau monstre à Rivière-aux-Canards , de femmes tourmentées à Détroit , . D’autres histoires présentent des personnages légendaires qui font appel à la fierté canadienne-française, comme celle du géant Edouard Beaupré .
 
Que les gens y croient ou non, une légende est toujours présentée comme une histoire vraie, et a comme but de renforcer les valeurs de la communauté. Les contes populaires, pour leur part, sont racontés pour divertir les gens. Cette forme est moins bien représentée dans Le Progrès. Mais on y retrouve toutefois le petit récit à formule Minette et les roulettes ainsi qu’un traitement poétique du conte populaire du Petit Poucet . À la frontière entre le réel et le fantastique, on peut lire le récit terrifiant de La Nuit des morts .
 
Il y des exemples intéressants de chansons populaires dans Le Progrès. Parfois on imprime les paroles de chansons folkloriques bien connues ailleurs, comme par exemple Trois beaux canards et La légende de Saint Nicolas . On nous donne aussi un échantillon d’une chanson quelque peu grivoise provenant du confessionnal de l’église Saint-Joseph à Rivière-aux-Canards . Mais Le Progrès est particulièrement révélateur en ce qui concerne la pratique de composer des chansons au sujet d’événements ponctuels dans la communauté. Une chanson de Belle-Rivière accuse les constructeurs du nouveau quai du gouvernement de fraude et de corruption . Deux autres chansons se moquent des partisans de Bill McKee, candidat libéral largement vu comme politicien anti-français et anti-catholique , . Une autre chanson, composée sur un air connu, fait appel au patriotisme des électeurs canadiens-français lors de l’élection fédérale de 1891 .

Toujours dans le domaine de la tradition orale, on retrouve quelques dictons et aphorismes concernant les pratiques agricoles et la médecine populaire ainsi qu' une prière à Saint Roch pour la guérison du choléra . Une liste de saints patrons nous montre à qui s’adresser pour toute occasion . Des listes de proverbes paraissent aussi assez régulièrement dans les pages du Progrès , .
 
Enfin, deux pratiques traditionnelles mentionnées dans Le Progrès se méritent une place ici. Le charivari était pratiqué par les membres d’une communauté pour censurer un mariage qui allait contre les normes de la société; normalement la pratique était réservée aux cas de veufs qui prenaient une deuxième femme beaucoup trop jeune. Les jeunes de la paroisse allait donc, la nuit des noces, entourer la maison des mariés en créant un vacarme avec pots et chaudières qui assurait que le couple n’aurait aucune paix avant le lever du soleil. Dans un incident rapporté à Tecumseh, l’événement déclencheur du charivari semble avoir été un ménage à trois .
 
Dans une cérémonie beaucoup plus tranquille, les habitants de Saint-Joachim participent à une cérémonie religieuse destiné à débarrasser les champs d’une infestation de chenilles . Cette expression de religion populaire remonte aux débuts de la Nouvelle-France et était encore pratiquée au 20e siècle.