Le Progrès
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Introduction

Commerce et Industrie

Crime et Châtiment à Windsor

Lieux Communs et Personnages Notables

Scène Politique

Ville Frontalière

Aucune autre ville canadienne n’entretient des liens aussi serrés avec une ville américaine que ceux qui existent entre Windsor et Détroit. Sous les régimes français et anglais, les gens des deux côtés de la rivière se considéraient comme membres d’une même communauté. Même après l’arrivée des Américains, Détroit est simplement « l’autre bord » pour les habitants de Windsor. Bien que les habitants des deux villes vivent sous deux drapeaux différents, ils travaillent et célèbrent ensemble, supportent les mêmes commerces et industries et partagent beaucoup des mêmes valeurs.

À la fin du 19e siècle, Windsor et Détroit sont reliés par plusieurs qui permettent des échanges continuels entre les deux villes. Le Progrès rapporte plusieurs incidents concernant les traversiers, comme par exemple une scène tragique dans laquelle figure le bateau à vapeur Hope . Le prix des billets affecte la vie quotidienne des gens de Windsor qui voyagent constamment entre les deux rives . En 1888, on commence à planifier un nouveau lien entre les deux rives : un tunnel pour les trains , . Ticket du traversier Argo

Ticket du traversier Argo

Le sujet des douanes sont une préoccupation perpétuelle pour les gens qui habitent une ville frontalière comme Windsor. Une liste de tarifs publiée par le journal nous donne une bonne idée de ce que les gens achètent à Détroit à cette époque. Le Progrès, qui dans sa politique libérale est décidément anti-protectionniste, ne manque jamais l’occasion de souligner les excès commis par les douaniers , , et la corruption des fonctionnaires . Encore mieux lorsque la victime du zèle officiel est un des ennemis politiques du Progrès ! . N’empêche que le journal peut s’avouer protectionniste lorsqu’il s’agit de ressources naturelles importantes , .
 
Malgré tout, les gens de Windsor et environs se fient à l’engin économique de Détroit pour assurer la vente de leurs produits , , ainsi que l’achat d’articles fabriqués , , , , . Effectivement, Le Progrès, qui pendant plusieurs années imprime lui-même ses journaux sur des presses américaines, publie autant d’annonces américaines que canadiennes, comme on peut le voir dans une page de publicités datant de 1881 .
 
Mais ce ne sont pas seulement les liens économiques qui rattachent Windsor à Détroit. La politique américaine intéresse vivement les gens de Windsor et, lors des élections, Le Progrès appuie les candidats qui répondent mieux aux attentes des Canadiens . Les résidents de Windsor et Détroit participent aux mêmes événements culturels et populaires, que ce soit une soirée à l’opéra , une journée au cirque ou en excursion sur la rivière ou simplement une veillée chez des amis . Windsor et Détroit fêtent ensemble : lors des grandes célébrations du G.A.R (Grand Army of the Republic) en 1891, les deux villes accueillent des milliers de vétérans de la guerre civile américaine .
 
Les lecteurs du Progrès s’intéressent aussi aux nouvelles de Détroit, y poursuivant les désastres les plus épouvantables ainsi que les nouveautés les plus prodigieuses . Avant tout, on s’intéresse au crime à Détroit et, comme aujourd’hui, ce dossier est une source de titillation constante pour les Windsorois. Le meurtre sensationnel du docteur Horace Pope souligne les effets néfastes de la grande ville sur le jeune homme naïf et innocent du bord canadien ; même à cette époque, Détroit fournit à l’imagination morbide des Windsorois l’occasion de contempler à une distance sécuritaire le visage sinistre de son alter ego criminel , , . Parfois l’élément criminel de Détroit déborde même du côté canadien de la rivière .

Un incident extraordinaire illustre de façon remarquable les particularités de la vie à la frontière. Un soir d’été, l’américain Luke Phipps abat sa femme à coups de révolver à bord du traversier Hope. Il est arrêté et mis en prison lorsqu’il débarque à Windsor. Mais Phipps a tué sa femme au milieu de la rivière ; il est très important de savoir de quel côté de la frontière le crime a été commis, car le Canada exerce la peine capitale à cette époque, et le Michigan non. Une enquête détermine que le meurtre a effectivement eu lieu du côté canadien et Phipps est condamné à mort. Mais avant d’être pendu il s’échappe avec trois complices ; un gardien de prison est tué lors de l’évasion. Plusieurs mois plus tard, on rattrape Phipps aux Illinois et on le ramène à Sandwich, où il sera pendu le 17 juin 1884. Le drame fascine les gens des deux bords du Détroit pendant presque un an ; malheureusement, les numéros du Progrès qui couvrent le crime, l’évasion et la capture manquent à notre collection et il faut se fier aux autres journaux de l’époque pour raconter l’histoire au complet. Mais les numéros de la collection reprennent à temps pour l’exécution et nous permettent de témoigner du vif intérêt que le cas a suscité chez la population de Windsor , , , .
 
Il est impossible de soustraire Détroit au portrait de Windsor de la fin du 19e siècle et de démêler tous les liens historiques, économiques, familiaux et culturels qui joignent les deux villes. La situation est bien résumée dans une lettre d’un visiteur français au rédacteur du Progrès ; lors d’une visite à Windsor en 1886, le voyageur se demande s’il est vraiment au Canada ou aux États-Unis . Mais malgré tout, les deux villes sont définitivement en voie de développer leur propres identités. Dans un éditorial publié dans Le Courrier en 1908, on peut constater les différences entre l’idéologie canadienne et américaine, différences qui peuvent paraître quelque peu ironiques aujourd’hui ! .