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Au dix-neuvième siècle, la production d’un journal était une
entreprise à forte intensité de travail. La technologie automatique
d’aujourd’hui n’existait pas et le texte devait être composé à la main. On peut
voir ici les corrections effectuées par les compositeurs d’une semaine à l’autre
,
.
La cueillette des nouvelles ne se faisait d’ailleurs pas comme aujourd’hui ; les
réseaux de communications instantanés n’étaient qu’à leur débuts. Les rédacteurs
de l’époque se fiaient donc autant à la poste qu’aux innovations comme le
téléphone et le télégraphe
.
La une du Progrès reflète l’évolution du journal au cours des années. Au
début, la première page consiste entièrement en des annonces publicitaires
,
: le journal doit montrer à ses commanditaires qu’il est capable de livrer leur
message aux lecteurs. Mais peu à peu, on voit les nouvelles s’imposer à la une
,
,
,
.
Le format du journal change plus qu’une fois : certaines années, les pages sont
réduites à la grosseur tabloïd
,
à d’autres périodes on revient au journal grand format
. Des illustrations paraissent à la une pour la première
fois en 1894 : les représentations de la guerre entre la Chine et le Japon
introduisent un goût d’exotisme chez les lecteurs du Progrès
,
. La plupart de temps, le Progrès comprend quatre pages; quelques
années le nombre de pages augmente à huit et même à seize. Mais la
multiplication de feuilles correspond rarement à une amélioration de la qualité
du reportage : plus on a de pages, plus on semble les remplir de bouche-trous en
provenance d’autres journaux. Vingt ans après son début, Le Progrès
revient aux annonces à la une
.
Au départ, les frères Pacaud maintiennent un bureau à Windsor et un autre à
Détroit
.
Le journal est imprimé du côté américain afin de profiter des meilleurs tarifs
de poste qui y sont offerts
.
Apparemment, cet arrangement entraîne certains problèmes pour un journal
francophone
.
D'ailleurs, la légalité de cette pratique est souvent en question : pour les
besoins de la poste, Le Progrès se dit un journal américain, mais pour
les questions de douanes, il s’affirme journal canadien. Les adversaires du
Progrès portent pression et finissent par mettre fin à cette pratique en
1886
.
Désormais, le journal sera imprimé à Windsor, où il occupera plusieurs locaux au
fil des ans
,
,
.
Le journal compte sur deux sources de revenue : les abonnements et les annonces
publicitaires. Au début, Le Progrès charge un dollar cinquante pour un an
d’abonnement (plus tard le prix baissera à un dollar). Le journal fonctionne par
ce qu’on appellerait aujourd’hui la facturation négative : c’est-à-dire, on
livre d’abord le journal à tous les francophones de la région ; ceux qui ne le
renvoient pas dans un délai convenu sont considérés abonnés
.
On se sert ensuite du pouvoir de la presse pour humilier ceux et celles qui ne
veulent pas payer
. Le Progrès
se sert aussi de moyens plus conventionnels pour attirer des lecteurs, comme par
exemple des coupons
et des concours. Un concours pour trouver « la plus belle Canadienne du comté »
a sans doute vendu beaucoup de journaux en 1897-98
,
,
,
.
Enfin, tous les journaux de l’époque font du porte-en-porte pour vendre des
abonnements ; Le Progrès se moque d’un de ses
concurrents, le docteur Casgrain qui, semble-t-il, rencontre beaucoup de
résistance à Pointe-aux-Roches dans sa campagne d’abonnement pour Le
Cultivateur. En fait, les deux journaux tentent de s’arracher les mêmes lecteurs
,
.
Mais la vente d’annonces demeure la source de revenue principale pour Le
Progrès et, à juger par le grand nombre de publicités qui ornent le journal,
les frères Pacaud ont beaucoup de succès à cet égard. Les tarifs de publicité de
1884 peuvent sembler insignifiants auprès des chiffres qu’on obtient
d’aujourd’hui, mais à l’époque ils génèrent sans doute des sommes considérables
. Évidemment, plus le nombre de lecteurs augmente, plus les
annonceurs acceptent de payer pour leurs publicités ; les chiffres de
circulation sont donc très importants pour établir ces tarifs. D’après un
article dans Le Courrier, un des journaux qui fait concurrence au
Progrès, les frères Pacaud se font prendre à frauder leurs chiffres de
circulation afin d’obtenir de plus hauts tarifs
.
Le Progrès doit essuyer plusieurs revers et surmonter bien des obstacles.
Mais les frères Pacaud connaissent bien leur métier et font de leur journal une
entreprise à grand succès qui maintiendra une influence à Windsor pendant plus
de trente ans.
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