New Page 1
|
Le Progrès a une double vocation : il existe comme
miroir de la communauté francophone et aussi comme sa fenêtre sur le monde. Mes
les gens de cette époque ne sont pas constamment branchés sur la scène globale
comme ceux d’aujourd’hui. Malgré l’apport des innovations récentes comme le
téléphone et la télégraphie, les nouvelles prennent souvent des semaines, sinon
des mois à faire le tour du monde. Pour les lecteurs francophones de
Windsor/Essex/Kent, Le Progrès est une ouverture importante sur ce monde
- un monde en évolution rapide et parfois violente, souvent incompréhensible
pour ceux et celles habitués à un mode de vie beaucoup plus lent et modéré.
Quelles sortes de nouvelles Le Progrès apporte-t-il à ses lecteurs ? On
doit choisir avec soin : il faut intéresser et divertir les lecteurs, les
informer aussi bien que les émerveiller, mais en même temps ne pas trop les
choquer ou les scandaliser.
Toutefois, un peu de scandale ne semble pas être une mauvaise chose et, comme
aujourd’hui, le sexe et la violence vendent beaucoup de journaux. Les normes
journalistiques semblent plutôt relâchées, et parfois la présentation des
nouvelles ne semble avoir ni queue ni tête. Pour prendre un exemple tiré au
hasard, la une du 27 juillet 1893 est un véritable coq-à-l’âne mettant en
vedette, outre le programme du parti libéral, un meurtre à Détroit, trois femmes
qui s’entretuent au Mexique, un divorce à l’âge de 101, l’arrestation d’un
criminel à Québec, des merveilles médicales aux États-Unis et à Lévis, des
atrocités à Madagascar, le chômage à Toronto, un Canadien français qui découvre
des secrets métallurgiques, un trésor en Alabama et un lynchage raté (on aime
bien les lynchages, qui semblent figurer avec une fréquence déconcertante dans
les pages du Progrès !) .
À la une du 5 avril 1894, un vicaire charitable du Québec doit partager la page
avec un revenant à Trois-Rivières, les petites nouvelles de Sandwich et des Îles
Sandwich, un naufrage en Suède, une bombe anarchiste à Paris, une mort bizarre à
Toledo et une aiguille qui fait un trajet extraordinaire . Bref, on tente de satisfaire à tous les goûts ; le
premier objectif est d’attirer des lecteurs et on espère par la suite que ces
derniers tourneront la page pour découvrir les articles et éditoriaux de
substance à l’intérieur.
Mais Le Progrès contient aussi de véritables nouvelles - c’est-à-dire des
actualités - et ce sur le plan national aussi bien qu’international. Les
Canadiens de Windsor reçoivent donc amplement de renseignements sur la Rébellion
du Nord-Ouest
et sur la mort de Louis Riel . La
mort de John A. MacDonald est digne d’un reportage juste et sobre, malgré les
différences politiques qu’a maintenu ce dernier avec la direction du Progrès .
Évidemment, on fait couler beaucoup d’encre au sujet du champion libéral Wilfrid
Laurier ;
les autres journaux libéraux de l’époque ne sont pas moins enthousiaste à ce
sujet . Tout n’est
pas politique, cependant ; par exemple, la ruée vers l’or du Klondike de passe
pas inaperçue dans les pages du Progrès .
Du côté international, la proximité des États-Unis assure la présence de
nouvelles américaines dans les pages du Progrès ; il ne faut pas oublier
que le journal s’adresse aux « Canadiens-français de Windsor et du Détroit » et
que la plupart de ses lecteurs ont des amis et des membres de la famille des
deux côtés de la frontière. En plus des nouvelles locales de Détroit et
environs, que vous pouvez lire dans plusieurs autres sections de ce site
(notamment dans les sections sur le crime et Windsor,
ville frontalière),
Le Progrès couvre les événements d’importance nationale et internationale
pour les États-Unis, tel que la mort du président Garfield ,
l’exposition mondiale de Chicago
et la guerre aux Philippines .
Du côté international, Le Progrès semble s’intéresser avant tout à la
France et à l’Angleterre. On suit avidement l’affaire Dreyfus en France . Les affaires de l’empire britannique touchent de plus près les
Canadiens ; alors, lorsque l’Angleterre déclare la guerre contre les Boers de
l’Afrique du Sud, Le Progrès suit de près les développements à l’étranger
aussi bien que sur la scène locale , . Mais le monde n’est
plus circonscrit par les intérêts des deux pouvoirs coloniaux, et Le Progrès
s’efforce aussi de renseigner ses lecteurs au sujet d’événements dans des pays
lointains, comme par exemple des massacres par les Kozaks en Russie .
La guerre entre la Chine et le Japon (1894), qui aura bien des répercussions au
siècle suivant, est un des premiers événements à recevoir un traitement
journalistique moderne par Le Progrès, qui met à la une pendant plusieurs
semaines consécutives les envois des agences de presse qui couvrent le conflit ,
, , .
|