Le Progrès
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Les frères Aurèle et Gaspard Pacaud, originaires de Saint-Norbert, dans la région d’Arthabaska, au Québec, sont arrivés à Windsor en 1881 dans le but de fonder un journal hebdomadaire dans cette ancienne communauté canadienne-française. En dehors des pages du Progrès, ils semblent avoir laisser peu de traces à Windsor. Afin de mieux saisir qui étaient les frères Pacaud, quels étaient leur mandat et leur mission, il convient de jeter un coup d’oeil sur certains autres membres de leur famille.

Aurèle et Gaspard faisaient partie d’une famille illustre et influente dans leur province natale. Leur père, Philippe-Napoléon Pacaud, était un patriote célèbre. Notaire et directeur de banque, il était aussi le fondateur et capitaine des Fils de la Liberté à Sainte-Hyacinthe et devint le commissaire général de l’armée patriote lors de la Rébellion de 1837. Deux de ses frères ont aussi été des héros de la Rébellion. Bien qu’emprisonné pendant quelques mois en 1839, Philippe-Napoléon s’établit par la suite à Saint-Norbert, dans un territoire nouvellement ouvert à la colonisation, et y occupa une succession de postes prestigieux :entre autres, justice de la paix, maître de poste et capitaine de la milice. Il comptait dans son cercle d’amis des écrivains célèbres comme Louis-Honoré Fréchette et des politiciens libéraux comme Wilfrid Laurier.

Un autre fils de Philippe-Napoléon, Ernest, est beaucoup mieux connu que ses frères et les grandes lignes de sa carrière peuvent nous aider à tracer le portrait d’Aurèle et de Gaspard. Il est intéressant de noter qu’Ernest a fréquenté à une école élémentaire anglaise à Trois-Rivières avant de poursuivre ses études classiques au Séminaire de Québec. Il devient avocat et prend sa place dans la haute société de Saint-Norbert. La résidence Pacaud est un centre de ce qu’on appelle des idées “rouges”. Ernest est l’ami intime de Wilfrid Laurier ; en fait c’est lui qui convainc le futur premier ministre à se présenter comme député provincial pour la première fois en 1871. En 1877, Laurier pousse Ernest à établir un journal à Arthabaska, La Concorde. Le journal, bien que libéral, cherche à réunir les modérés de tous les partis. En 1880, Laurier et ses amis fondent un autre journal à Québec, L’Électeur, et désignent Ernest comme son rédacteur-en-chef. Le but du journal est de former une coalition de Libéraux et de Conservateurs modérés en sapant la crédibilité des Conservateurs de l’extrême droite, c’est-à-dire la clique d’Ultramontanistes et du Cercle Catholique de Québec. Ce ne peut être le hasard qui, un an plus tard, amène deux autres membres de la famille Pacaud à Windsor pour fonder un journal avançant les mêmes buts et employant les mêmes tactiques que L’Électeur.

Malgré des accusations de fraude et des disputes avec le clergé, Ernest demeure un des organisateurs principaux du parti libéral et conseiller de Laurier, maintenant rendu sur la scène nationale. Le parti libéral a besoin d’une base en Ontario et c’est dans la ville bilingue de Windsor que ses politiques auront les plus grandes chances de succès. On y envoie Aurèle et Gaspard. (Un quatrième frère, Horace, fondera un journal à Bay City, au Michigan, où se trouve une autre concentration importante de Canadiens-Français). On peut en apprendre un peu plus sur la famille Pacaud et ses liens en lisant la nécrologie de la mère d’Aurèle et de Gaspard, publiée en 1898 .

Aurèle Pacaud

On connaît très peu sur l’homme qui se signe propriétaire du Progrès. L’aîné de Gaspard, il épouse Charlotte-Emma Dumoulin en1870, à Arthabaskaville, où il est propriétaire d’un magasin avant d’arriver à Windsor en 1881. Il semble avoir été avocat, comme plusieurs autres membres de sa famille. Nous savons qu’il a un fils, Benjamin, qui faillit se faire poignarder dans la rue en 1891 ; ce dernier est aussi propriétaire d’un magasin à Windsor . Si l’on peut croire les accusations de ses ennemis, Aurèle n’est pas toujours scrupuleux dans ses affaires . Chose certaine, sa main sûre maintient Le Progrès bien en avant de ses concurrents pendant plus de trente ans. Nous ne possédons que deux portraits d’Aurèle Pacaud : le premier tiré d’une gravure d’un groupe d’hommes politiques de Windsor qui date de 1902 et le second, une photo qui paraît avec sa nécrologie lors de son décès en 1922 dans le journal Border Cities Star. Aurèle Pacaud

Aurèle Pacaud

Gaspard Pacaud

Gaspard Pacaud est beaucoup plus en vue à Windsor que son frère Aurèle - c’est lui en fait le visage public du Progrès. Né en 1859, il arrive à Windsor à l’âge de 22 ans. Il est d’abord rédacteur-en chef du Progrès mais ajoutera bientôt plusieurs cordes à son violon : politicien, orateur, homme d’affaires, fonctionnaire. Au cours des années, Gaspard semble s’impliquer dans tous les aspects de la vie à Windsor, laissant sa marque sur la politique, le commerce, la culture de la ville.

0Il se lance presque immédiatement dans la lutte politique et en juin 1886, il est choisi comme candidat libéral provincial pour la circonscription d’Essex Nord . On prend la politique à coeur à cette époque, et les assemblées sont parfois très mouvementées . Une page du Progrès publiée la semaine avant l’élection nous donne une idée du discours politique du jour et confirme l’avantage d’avoir son propre journal dans une campagne électorale . Gaspard est élu le 29 décembre 1886 . À 27 ans, il est le plus jeune député jamais élu en Ontario. Mais en 1890, l’association libérale d’Essex Nord choisit Francis Cleary comme nouveau candidat ; Pacaud, sous le prétexte que l’Irlandais Cleary ne représentera pas de façon adéquate les Canadiens-Français de sa circonscription, refuse de céder sa place et se présente comme le seul vrai candidat libéral . Le résultat est un vote divisé pour le parti libéral et la victoire pour le candidat conservateur, Sol White .

Gaspard Pacaud

Gaspard Pacaud

Par la suite, Gaspard ne se présentera plus jamais comme candidat, mais il demeurera très actif sur la scène locale. On peut lire dans les pages du Progrès le résumé de sa remarquable carrière politique , .

Quelques mois plus tard, Gaspard devient notaire public, comme son père avant lui , . En 1892, il quitte son poste de rédacteur en chef du Progrès et obtient le poste d’inspecteur des licences pour les hôtels d’Essex Nord , . Il garde sans doute un intérêt financier dans le journal, qui fonctionne aussi comme imprimerie , . Il est d’ailleurs agent d’assurance qui maintien un bureau dans l’édifice Davis, rue Sandwich Est (aujourd'hui Riverside Drive). Gaspard est sans aucun doute membre adhérent de l’établissement financier de Windsor, puisqu’il a les moyens de se faire construire, en 1895, une maison imposante dans la rue Victoria, le nouveau quartier riche de Windsor. Une annonce de 1902 offre ses services comme prêteur à intérêt .

Tout le long de ses activités dans le monde d’affaires, Gaspard ne néglige pas ses engagements politiques et culturels. Il contribue régulièrement au Progrès, il prononce des discours à toute occasion , il est président de la Société Saint-Jean-Baptiste de la paroisse Saint-Alphonse et du conseil scolaire des écoles séparées de Windsor. Comme il convient au fondateur d’un journal nommé Le Progrès, il tient plusieurs idées progressistes : en 1890, il épouse Annie McKewan, une anglophone protestante de Bay City, Michigan ; c’est sans doute ce qui le provoque à répondre dans les pages du Progrès à un sermon contre les mariages mixtes prononcé par le curé de sa paroisse . Il écrit aussi en faveur du suffrage des femmes . Il meurt à Windsor le 28 août 1928.

Selon l’information dans la nécrologie d’Aurèle Pacaud dans Border Cities Star, Le Progrès cesse de publier vers 1919, bien que d’autres dates aient été proposées par d’autres sources. Notre propre collection du journal ne va pas plus loin que 1902 et très peu de copies postérieures existent ailleurs. Il est donc difficile d’évaluer les dernières années du Progrès. Mais il est clair d’après la nécrologie de Gaspard qui paraît dans le Border Cities Star, que les frères Pacaud ont été une force majeure dans le développement non seulement de la communauté francophone du sud-ouest ontarien mais aussi dans tous les domaines de la vie publique de Windsor et environs, depuis les années post-confédération jusqu’à la décennie après la première guerre mondiale.